Il y a quelques semaines, ma collègue Anne a écrit autour du droit à la déconnexion. Même si sur le fond, une réflexion quant à la dépendance à la technologie est nécessaire, on ne peut pas voir sa contribution au monde professionnel uniquement comme une plaie dont on doit se défaire au sortir de sa journée de travail.
Le droit à la déconnexion : une rupture du lien de subordination ?
Dans une première lecture, faudrait-il aller jusqu’au bout du raisonnement, prôner la rupture totale et donc s’interdire une vie privée numérique ?
En réalité, le propos du droit à la déconnexion est avant tout le droit pour le salarié de suspendre ce fondement du droit du travail qu’est le lien de subordination, car c’est dans l’application de ce concept que la technologie a changé les règles du jeu.
La définition juridique telle que l’a donnée la cour de cassation en est la suivante :
« Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité de l’employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. »
Concrètement c’est la possibilité pour l’entreprise de disposer du temps de ses collaborateurs, d’attendre et de juger une action de leur part. Pour cela il suffit de s’assurer que le salarié dispose de l’information. A peu près acceptée durant le temps de travail, cette possibilité que la technologie a étendu H24/J7 pose effectivement problème lorsque qu’il n’y a plus d’obstacle physique ni temporel à son utilisation.
En effet, le simple fait de quitter son poste, ou la fin de la journée, rendait caduque la subordination, tout simplement parce que techniquement le salarié n’était plus en mesure de recevoir l’ordre. Désormais, non seulement il est constamment informé, mais de plus, selon toute probabilité, par un média écrit et donc opposable.
Si personne ne fixe de limite, le salarié se retrouve face au dilemme de soit traiter la demande à tout moment, soit de l’ignorer sciemment avec les risques que cela comporte.
A l’opposé, un usage trop systématique de ce droit va conduire à ignorer un problème grave, alors qu’il aurait suffit de quelques secondes pour le traiter ou le transférer.
La mise en œuvre du droit à la déconnexion : une affaire de jugement raisonné
La mise en œuvre du droit à la déconnexion doit se faire avec intelligence, quel que soit l’angle où on se place, l’information est là, potentiellement disponible, et son importance est une affaire de jugement raisonné.
Maintenant, pour celui qui comme moi se soucie peu de son droit à la déconnexion (j’écris cet article un samedi à 23 heures), je suis gré aux outils numériques, de leur apport exceptionnel en matière d’efficacité et de liberté de gestion de mon temps. Je peux où que je sois, chez moi ou dans les transports, exploiter tout moment de temps libre pour accéder aux éléments dont j’ai besoin, traiter un sujet ou transférer mes consignes. Et peu m’importe que mes correspondants me répondent instantanément, je sais que le problème sera traité.
Olivier Piochaud, Président Directeur Général d’Apsynet