Je vous ai déjà parlé du concept d’immobilisation, qui permet d’évaluer la durée de vie d’un bien et, sur cette base, d’en répartir le coût sur plusieurs exercices comptables.
L’idée est bonne sur le fond, car elle permet de balance le bénéfice apporté par le bien, à savoir son usage sur plusieurs années, avec le coût de son acquisition.
- En comptabilité privée, cela permet d’ajuster les charges du bilan à la réalité, tout en contrôlant l’impact fiscal des achats.
- En comptabilité publique, il s’agit de produire un état de l’actif qui reflète l’utilisation des deniers publics destinés à l’enrichissement des biens collectifs.
Dans tous les cas, cela contribue à la valorisation du patrimoine.
Cela dit, amortir un bien sur plusieurs exercices implique des coûts de gestion supplémentaires et introduit une certaine complexité dans le suivi comptable.
Quand amortir ?
En principe, un bien doit être amorti dès lors que son utilisation est prévue sur plusieurs années (que ce soit pour un bâtiment, un aménagement, du mobilier, un véhicule, etc.), et que sa valeur justifie cet effort. Il n’y a pas de seuil de valeur minimale imposée, c’est au comptable d’en juger. Cependant, on considère généralement qu’au-delà de 500 € HT, l’amortissement devient pertinent.
Les choses se compliquent lorsque l’on parle de biens en lots. Par exemple, l’achat de 50 chaises à 30 €/pièce représente un actif total de 1 500 €. Bien que la durée de vie des chaises dépasse probablement un exercice, il n’y a techniquement aucune obligation d’amortir ce lot. Toutefois, amortir un lot introduit une autre complexité : si une partie du lot est perdue ou inutilisable, il faudra ajuster la valeur de l’immobilisation en fonction des biens restants.
Investissement vs fonctionnement
On peut aussi aborder la question sous un autre angle : l’immobilisation (et donc l’amortissement) est un moyen de refléter la nature de la dépense.
- En frais de fonctionnement, on consomme l’achat au cours de l’année, et bien que des stocks puissent rester, il n’est pas nécessaire d’immobiliser ces biens.
- En investissement, on anticipe une utilisation durable du bien, généralement sur plusieurs années.
Cela permet de distinguer les biens coûteux à court terme, mais dont la durée de vie est limitée ou incertaine (par exemple des consommables coûteux ou des équipements soumis à des conditions extrêmes), et d’ajuster l’amortissement en conséquence.
La durée d’amortissement
Lorsqu’un bien est destiné à un usage pluriannuel, sa durée d’amortissement doit être fixée de manière raisonnée, en respectant certaines limites :
- Biens mobiliers : jusqu’à 10 ans (souvent moins)
- Aménagements : 10 ans
- Bâtiments : 25 ans
Le foncier, quant à lui, n’est pas amorti. Sa valeur perdure, mais elle ne peut pas être réévaluée simplement, même si le marché évolue, à moins de faire appel à un expert.
Le cas des biens de faible valeur dans les collectivités
La majorité des collectivités doivent respecter des règles de récupération de la TVA, qui sont conditionnées par l’achat de biens en tant qu’investissement, donc en les immobilisant. Pourtant, elles redoutent souvent la gestion de l’amortissement et la réforme de la multitude de biens qu’elles détiennent.
Pour donner une idée, une entreprise privée possède généralement entre 5 et 10 biens par employé, tandis qu’une collectivité gère entre 50 et 100 biens par agent (soit entre 1 et 3 biens par habitant). Ce chiffre varie en fonction des équipements collectifs, des écoles, ou des compétences spécifiques de la commune.
Ce large éventail s’explique par la mise à disposition des biens pour le public, mais cela rend la gestion beaucoup plus complexe. Ainsi, les collectivités ont la possibilité d’acquérir des biens de faible valeur, tout en les amortissant sur une année, puis de les réformer comptablement à la fin de cet exercice.
Cela dit, cette méthode reste un artifice, car si les biens subsistent, il est nécessaire d’en garder la trace pour éviter des rachats inutiles.
Olivier Piochaud, Président Directeur Général d’Apsynet